Reprendre le travail après un arrêt-maladie pose parfois certaines difficultés aux salariés, d’autant plus lorsque cet arrêt a été long. En effet, une multitude de questions peut traverser l’esprit des collaborateurs : l’entreprise n’a pas arrêté de tourner malgré mon arrêt, vais-je réussir à retrouver mes marques ? Il y a sûrement de nouveaux collègues, comment cela va se passer avec eux ? Mon manager a-t-il conscience que mes aptitudes aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’auparavant ? (…) Il est donc du devoir de l’employeur et du manager de bien préparer le retour des collaborateurs en arrêt-maladie. On vous en dit plus.
Arrêt maladie : législation et vocabulaire
Législation
La sécurité-sociale a pour fonction première de protéger les individus face aux divers risques sociaux que sont notamment la maladie : “La sécurité-sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.
- Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie […],
- Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus […],
- Elle assure la prise en charge des frais de santé, […], le service des prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles […] ” (article L111-1 du Code de la Sécurité Sociale).
L’arrêt maladie se définit par l’absence par l’incapacité de travail du salarié sur une ou plusieurs journées en raison de son état de santé constaté par un médecin traitant.
Dans ce cas, pour que le salarié bénéficie du versement des indemnités journalières par la caisse d’assurance maladie, plusieurs obligations s’imposent à lui :
- Justifier de son absence auprès de l’entreprise dans les 48 heures en transmettant son certificat médical.
Dès réception, l’employeur peut ainsi établir et transmettre l’attestation de salaire à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Ce qui ouvre droit au calcul de l’indemnisation (en tenant compte des délais de carence), - Suivre les prescriptions médicales,
- Respecter les horaires de sorties autorisées,
- Se soumettre aux contrôles médicaux organisés par l’employeur et/ou la Sécurité sociale (CPAM ou MSA),
- Se soumettre à la visite médicale de reprise.
Vocabulaire
Lorsqu’un collaborateur est victime d’un accident ou d’une maladie, plusieurs termes peuvent porter à confusion.
– Comment définir la maladie professionnelle, l’accident du travail et l’accident de trajet ?
Selon l’article L.411-1 du Code de la Sécurité sociale « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». Ce qui signifie que pour qu’un accident soit caractérisé comme accident du travail, il faut que deux conditions soient validées :
- Qu’il y ait une lésion,
- Que les faits se soient produits par le fait ou à l’occasion du travail.
Il arrive parfois de confondre accident du travail et accident de trajet. L’accident de trajet est en effet un accident du travail, selon l’article L. 411-2 du Code de la Sécurité Sociale. Cependant, les conséquences ne sont pas les mêmes. En effet, cela n’impacte pas le taux AT-MP de l’entreprise.
– Quelle est la distinction entre guérison et consolidation ?
La guérison se définit comme le plein recouvrement de l’état de santé tel que c’était le cas précédemment à la maladie ou l’accident. Le collaborateur n’a aucune séquelle ou complication particulière. Il est guéri. Cela donne lieu à l’établissement d’un certificat de guérison par un médecin.
La consolidation, quant à elle, n’est pas un rétablissement total. Elle se caractérise par 2 éléments essentiels :
- Un état de santé stable,
- Des séquelles qui demeurent.
C’est-à-dire que les médecins jugent qu’aucun soin médical ne pourra améliorer l’état de santé. Cela donne lieu à l’établissement d’un certificat de consolidation (et non de guérison) par un médecin.
Arrêt-maladie : quelles procédures appliquer dans le cadre du retour de mon collaborateur ?
La loi du 02 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a quelque peu bouleversé le schéma habituel de suivi médical.
Le schéma que nous connaissions était construit en fonction d’un nombre de jours d’arrêt initialement de 30 jours. Aujourd’hui, ce schéma est complété et le nombre de jours est porté à 60 jours.
Mais pas de panique nous vous le décrivons et schématisons juste ici 👇
Son arrêt-maladie a débuté avant le 1er avril 2022
Dès lors que l’arrêt a débuté avant le 1er avril 2022 et qu’il a duré plus de 30 jours, le collaborateur arrêté doit se soumettre à ce qui est appelé une “visite médicale de reprise”.
Cette visite s’effectue auprès du médecin du travail auprès duquel dépend l’entreprise et à pour objectif de vérifier notamment l’aptitude à reprendre le travail et la compatibilité du poste avec l’état de santé du collaborateur.
Cette visite est prise à l’initiative de l’employeur. Elle est obligatoire et doit avoir lieu au plus tard dans les 8 jours qui suivent la reprise.
Cette visite doit avoir lieu sur le temps de travail. Si cela n’est pas possible (travail de nuit, …), le temps consacré à la visite est considéré comme du temps de travail effectif et doit être rémunéré en conséquence.
À l’issue de cette visite de reprise, le médecin peut émettre 3 types d’avis :
- Avis d’aptitude. Le collaborateur reprend alors le travail à son poste ou à un poste similaire,
- Avis d’aptitude avec restriction. Dans le cas où l’état de santé (physique et/ou psychique) n’est pas pleinement compatible avec le poste, le médecin du travail pourra émettre des préconisations, et examiner les différentes propositions émises par l’employeur concernant l’aménagement et l’adaptation du poste et des conditions de travail ou du reclassement proposé,
- Avis d’inaptitude.
À tout moment et afin d’accompagner au mieux la reprise, vous et le médecin du travail pouvez tout-à-fait demander au collaborateur un certificat médical de consolidation réalisé par le médecin traitant. Ce document permet d’attester du rétablissement du salarié avec des séquelles définitives.
Son arrêt-maladie a débuté après le 1er avril 2022
– Il s’agit d’un arrêt de moins de 60 jours
La loi du 02 août 2022 modifie le schéma initial de prévention et de santé au travail, et instaure une toute nouvelle pratique : le rendez-vous de liaison.
Étape 1 : le rendez-vous de liaison
Ce rendez-vous a pour objectif de garder le lien avec le salarié arrêté depuis plus de 30 jours et de l’informer au sujet :
- De votre droit à demander une visite de pré-reprise auprès de la médecine du travail
- Des mesures d’aménagement du poste et du temps de travail
Le salarié sollicitant ou acceptant ce rendez-vous de liaison se voit proposer une date dans les 15 jours.
Qui y participe ?
- Le salarié,
- L’employeur,
- La médecine du travail.
Étape 2 : la visite de pré-reprise
La visite de pré-reprise n’est pas obligatoire mais très fortement conseillée, tout comme le rendez-vous de liaison. Elle a pour objectif, durant l’arrêt du collaborateur depuis plus de 30 jours, de préparer et d’anticiper au mieux les conditions de retour au travail.
Elle peut être demandée par :
- Le salarié en arrêt de travail depuis plus de 30 jours,
- Le médecin du travail,
- Le médecin traitant,
- Le médecin conseil.
Dans le cadre de cette visite, le médecin échange avec le collaborateur et l’examine pour formuler des recommandations/préconisations. Ces préconisations peuvent porter sur :
- L’aménagement, l’adaptation du poste,
- Le reclassement,
- Les formations professionnelles en vue d’accompagner le reclassement ou la réorientation professionnelle.
Étape 3 : la visite médicale de reprise
Dans le cadre d’un arrêt de travail compris entre 30 et 60 jours, cette visite ne concerne uniquement que les salariés en arrêt de travail suite à un accident professionnel.
Il s’agit cette fois-ci d’une obligation qui a lieu soit le jour de la reprise, soit dans un délai maximal de 8 jours. Vous devez, en tant qu’employeur, solliciter ce rendez-vous auprès du service de prévention et de santé au travail dont vous dépendez.
L’objectif de cette visite pour le médecin du travail est de vérifier :
- L’adéquation du poste ou du reclassement avec l’état de santé de votre collaborateur,
- D’émettre des préconisations concernant l’aménagement, l’adaptation du poste ou du reclassement en fonction de la situation du collaborateur,
- D’émettre un avis d’inaptitude, le cas échéant.
– Cet arrêt dure/a duré plus de 60 jours
Dans le cadre d’un arrêt de plus de 60 jours, la procédure est sensiblement identique à un arrêt de moins de 60 jours. Quelques compléments sont simplement apportés.
Aussi, le rendez-vous de liaison (étape 1 présentée ci-dessus) et la visite de pré-reprise (étape 2 présentée ci-dessus) sont toujours non obligatoires mais fortement recommandés pour garder le lien et informer le collaborateur de ses droits en matière de santé et de prévention et préparer la reprise.
Enfin, la visite médicale de reprise est obligatoire pour tous les salariés quel que soit le motif de l’arrêt (accidents professionnels ou non professionnels, maladies professionnelles ou non).
En tant qu’employeur, il est de votre responsabilité de faire la demande de ce rendez-vous auprès du SPST dont vous dépendez.
Les différentes modalités de reprise
Plusieurs issues vous sont possibles dans le cadre de la reprise du travail de votre collaborateur :
- Reprise dans les conditions normales/habituelles : le salarié revient dans les mêmes conditions que précédemment à son arrêt (poste et salaire identiques),
- Aménagement et adaptation du poste : cela survient lorsque le médecin du travail émet un avis d’aptitude avec restrictions. Ces restrictions sont accompagnées de préconisations pouvant porter sur l’environnement de travail (éclairage, températures, bruits, postures, … mi-temps thérapeutique) et sur les capacités de travail du collaborateur (exemple : mi-temps thérapeutique). En tant qu’employeur, vous avez l’obligation de mettre en œuvre ces préconisations. Si cela n’est pas possible, vous devez expliquer les motifs au médecin de santé au travail,
- Reclassement pour des raisons de santé : Vous êtes dans l’obligation de chercher par tout moyen à reclasser votre collaborateur et de demander l’avis consultatif du CSE sur la question, s’il existe dans votre structure. Le reclassement proposé doit être adapté à son état de santé ; cela peut passer par une mutation, une transformation du poste, des formations, …
Licenciement pour inaptitude : vous pouvez mettre en œuvre cette ultime solution dans 2 cas :
- Lorsque votre collaborateur refuse votre proposition de reclassement,
- Lorsque le médecin du travail déclare qu’un maintien du collaborateur dans l’entreprise peut nuire à son état de santé. Vous êtes donc dispensé de recherche de reclassement.
Vous pouvez alors mettre en œuvre la procédure “classique” de licenciement :
- Convocation à l’entretien préalable à licenciement pour inaptitude,
- Entretien préalable à licenciement pour inaptitude,
- Notification du licenciement pour inaptitude,
- Versement des indemnités pour inaptitude (professionnelle ou non-professionnelle).
Le cas particulier de la reprise anticipée
Reprendre le chemin du travail de manière anticipée est tout à fait possible pour un salarié. Cependant, cela implique, pour vous et votre collaborateur, de répondre à certaines obligations. En effet, il pèse sur vous, en tant qu’employeur, une obligation de résultat en matière de santé et sécurité au travail (article L. 4121-1 et suivants du Code du Travail).
Ceci n’est donc pas à prendre à la légère, il en va de votre responsabilité ! Aussi, lorsque votre collaborateur manifeste sa pleine guérison et son intérêt à revenir, vous devez donc vous assurer de sa complète aptitude à reprendre son poste.
– Mais comment pouvez-vous juger de cette complète aptitude ?
Vous ne pouvez pas ! Seul le corps médical est en capacité de le faire. Le salarié doit donc se rapprocher du médecin-traitant qui a attribué cet arrêt (et, suivant la durée de l’arrêt, du médecin du travail) pour vous fournir un certificat médical de reprise.
Soyez également, autant que faire se peut, vigilant aux motivations du salarié à revenir de manière prématurée. Il ne faut pas que celles-ci ne soient pas liées à des angoisses au sujet de la charge de travail, de la peur de perdre son emploi, …
Comme nous vous l’avons rappelé plus tôt, vous êtes le garant de la santé et de la sécurité au travail de vos équipes. Vous êtes donc en droit de refuser cette reprise.
Quelle position adopter en tant que manager ?
Garder le lien… mais pas dans tous les cas
Malgré l’absence de votre collaborateur pendant de longs mois, votre entreprise continue de tourner. N’attendez pas qu’il revienne pour préparer son retour ! Préparez-le dès son départ. Au risque, sinon de provoquer un sentiment de déconnexion, de désynchronisation entre vous.
Pour éviter ce sentiment d’abandon, et aider au mieux le salarié à retrouver sa place rapidement à son retour, il est nécessaire de garder le lien de manière régulière. Ce lien peut être entretenu par vous en tant que gérant(e), le manager de proximité, un proche collègue, etc.
Ces échanges informels et réguliers (sans être trop oppressant et intrusif) permettront :
- De tenir informer le collaborateur sur les grands temps forts et grands changements qui ont lieu en son absence,
- D’anticiper son retour et de préparer les aménagements nécessaires.
Certaines situations peuvent parfois être délicates ; et maintenir le lien est déconseillé. En effet, les raisons d’un arrêt-maladie peuvent être liées à des raisons de santé physique mais aussi, et de plus en plus aujourd’hui, à la santé psychique.
Dans les cas tels que le harcèlement (moral ou sexuel), les violences, le burn-out, … , il est nécessaire pour le collaborateur de s’éloigner de l’entreprise pour faire baisser son niveau de stress post-traumatique.
Garder le lien pourrait être contre productif.
Redonner du sens et de la confiance
Il faut prendre conscience que retour au travail après de longs mois d’absence peut être source de :
- Perte de confiance en soi : “Je n’ai pas travaillé depuis des mois, je vais devoir refaire mes preuves. Est-ce que j’en suis réellement capable et est-ce que j’en vaux la peine ?”,
- Fatigue : Par exemple, les traitements contre le cancer peuvent être très lourds et impacter la vie des patients durant plusieurs années,
- Perte de sens : après une longue absence (burn-out, maternité, …), un nouvel équilibrage des priorités peut s’opérer pour les collaborateurs,
- Etc.
Il est nécessaire pour l’entreprise de bien le comprendre pour préparer au mieux la reprise d’activité du salarié. Pour un retour dans les meilleures conditions, l’employeur doit proposer :
- Un entretien de reprise : cet entretien doit aider à une reprise en douceur du collaborateur. Il n’a pas pour objet de collecter et traiter à titre discriminatoire des informations personnelles liées à la maladie.
- Un parcours de réintégration : ce parcours doit proposer des mesures concrètes de soutien et d’accompagnement.
Comment gérer la reprise d’un salarié après un arrêt maladie : que devez-vous retenir ?
À la suite d’un arrêt maladie, un salarié va bientôt réintégrer son poste de travail. Pour être réussi, ce retour à l’emploi après une si longue durée doit être bien préparé. L’employeur doit être attentif à respecter certaines obligations légales, adopter un ton juste et une bonne posture pour que la réintégration du salarié se déroule dans les meilleures conditions.