Avec les ordonnances Macron de 2017, le comité social et économique (CSE) remplace les instances représentatives du personnel (IRP) en entreprise. Il est mis en place depuis le 1er janvier 2020, en fonction de la date de fin de mandat des représentants du personnel (délégué du personnel, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), comité d’entreprise). Le CSE prend en charge toutes les questions relevant de son rôle économique et professionnel dans l’entreprise, de la gestion des activités sociales et culturelles ainsi que des mesures en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Dans ce cadre, il dispose notamment d’un droit d’alerte. Voyons ensemble les 5 cas de recours au droit d’alerte par le CSE.
Présentation générale des différents droits d’alerte du CSE
• L’objectif du droit d’alerte du CSE
Les membres titulaires du CSE ont à leur disposition plusieurs procédures d’alerte pour agir lorsqu’ils ont connaissance d’informations ou de faits préoccupants. Le droit de déclencher la procédure est prévu par le Code du travail, notamment la Loi Sapin II, et par le règlement intérieur de l’entreprise.
L’objectif du droit d’alerte ? Créer les conditions d’un débat sollicité par le comité dans lequel l’employeur doit intervenir et répondre pour faire cesser un trouble.
Les procédures et les modalités d’exercice du droit d’alerte varient selon la taille de l’entreprise.
• L’utilisation du droit d’alerte de bonne foi
Aucune sanction ne peut avoir lieu si un CSE prévoit d’invoquer son droit d’alerte de bonne foi. Cependant, faire jouer son droit dans le but de nuire à l’entreprise, à un salarié ou à des salariés déterminés est interdit. L’usage du droit d’alerte ne doit pas être abusif et doit être justifié de la part du représentant du personnel.
• Les 5 droits d’alerte du CSE
Pour les entreprises de 11 salariés et plus, le CSE dispose :
- Du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes,
- Du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent,
- Du droit d’alerte en cas de risque grave pour la santé publique et l’environnement,
Le CSE d’une entreprise de 50 salariés ou plus a une responsabilité civile et bénéficie de plus grandes responsabilités, avec en plus :
- Le droit d’alerte économique,
- Le droit d’alerte sociale.
Le droit d’alerte du CSE en cas d’atteinte aux droits des personnes
• L’atteinte aux droits des personnes
Une atteinte aux droits des personnes peut être constatée par un membre de la délégation du personnel au comité social et économique, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur. Cette atteinte peut toucher la santé physique et mentale ou les libertés individuelles (religieuse, politique, syndicale, …) qui ne sont pas respectées sur le lieu de travail. Elle n’est pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché. Dans cette situation, le membre du comité doit exercer son droit d’alerte et saisir immédiatement l’employeur.
• Les faits à l’origine d’une atteinte aux droits des personnes
Cette atteinte peut notamment résulter :
- De faits de harcèlement moral ou sexuel,
- De violences physiques,
- D’atteinte à l’intégrité physique,
- De toute mesure discriminatoire en matière :
- D’embauche,
- De rémunération,
- De formation,
- De reclassement,
- D’affectation,
- De classification,
- De qualification,
- De promotion professionnelle,
- De mutation,
- De renouvellement de contrat,
- De sanction,
- De licenciement.
L’atteinte aux droits d’un salarié peut se manifester par : une retenue de salaire, un délit d’entrave, une atteinte au droit de grève, au droit de retrait, au droit aux congés, au droit à la déconnexion, etc.
• La procédure d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes
L’employeur procède alors sans délai à une enquête, conjointement avec les membres du CSE. Il doit prendre les mesures nécessaires et adéquates pour remédier à la situation.
Le membre du comité a la possibilité de saisine du juge du conseil de prud’hommes en référé (procédure d’urgence) :
- Si l’employeur ne prend aucune mesure, on parle de carence de l’employeur,
- Ou en cas de divergence sur cette atteinte.
Le salarié doit donner son accord pour cette démarche.
Le droit d’alerte du CSE en cas de danger grave et imminent
• L’article L4131-1 du Code du travail
La procédure de droit d’alerte en cas de danger grave et imminent est définie par l’article L4131-1 du Code du travail : “Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.”
• Le statut de lanceur d’alerte d’un salarié
Ainsi, tout salarié peut se trouver dans une position de lanceur d’alerte. Sans passer par un membre du CSE, un salarié peut directement informer sa direction en consignant dans le registre spécial l’alerte de manière anonyme.
Qu’ils soient salariés protégés car membres du CSE, ou non, les lanceurs d’alerte sont protégés par la loi. L’employeur ne peut pas émettre de sanctions à l’encontre d’un lanceur d’alerte à cause des alertes émises (licenciement, sanction disciplinaire, changement brutal des missions, baisse de salaires, etc.).
• La qualification de danger grave et imminent
L’employeur doit répondre à son obligation de sécurité et de protection de la santé de ses salariés. Le risque imminent de graves dangers implique la survenance d’un événement grave, imprévu, qui peut se déclencher à n’importe quel moment, dans un avenir proche, quasi immédiat. La situation de danger sur le poste de travail risque de provoquer un accident de travail ou une maladie professionnelle.
La notion de danger grave et imminent est caractérisée lorsque la santé ou la sécurité au travail d’un salarié est en péril.
Il peut s’agir :
- De la défectuosité du matériel,
- D’un échafaudage instable avec un risque de chute,
- D’une machine dangereuse,
- D’une allergie liée au poste de travail,
- D’une exposition à l’amiante,
- De tout autre danger imminent représentant un risque grave pour l’intégrité physique ou mentale des salariés.
• Le registre des dangers graves et imminents
Lorsque le représentant du comité social et économique utilise son droit d’alerte, il doit immédiatement informer et saisir l’employeur. Les alertes sont consignées sur un registre des dangers graves et imminents, ouvert par l’employeur.
Cette alerte doit être datée, signée et la consignation comporte les informations suivantes :
- Postes de travail concernés par la cause du danger constaté,
- Nature du fait représentant un danger,
- Cause du danger,
- Nom des travailleurs exposés.
• La procédure d’alerte en cas de danger grave et imminent
L’employeur procède immédiatement à une enquête conjointement avec le représentant du comité qui lui a signalé le danger, et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.
À la fin de l’enquête, une fiche de renseignements est adressée à l’inspecteur du travail.
En cas de désaccord entre l’employeur et les membres du CSE, l’employeur réunit le comité d’urgence dans un délai maximum de 24 heures en invitant l’inspecteur du travail et une agence du service de prévention de la CARSAT (Caisse d’Assurance Retraite et Santé Au Travail).
Si aucun accord n’est trouvé entre l’employeur et la majorité des membres du CSE, l’employeur est dans l’obligation de saisir l’inspection du travail, qui applique alors les mesures qu’elle juge appropriées. Elle peut adresser une mise en demeure de l’employeur ou bien renvoyer le dossier devant le juge des référés pour qu’il statue en urgence.
• Le droit de retrait en cas de danger grave et imminent
L’employeur ou son représentant ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où le danger persiste, résultant par exemple d’une défectuosité du système de protection. Il s’agit du droit de retrait.
L’exercice du droit de retrait est possible lorsqu’une situation présente un danger grave et imminent. Le salarié exposé à la réalité du danger, en exerçant son droit de retrait, peut se retirer et quitter son poste de travail. L’objectif est de reprendre le travail lorsque l’employeur a pris les mesures nécessaires pour faire cesser le danger signalé.
• Quelques conseils pour utiliser la procédure en cas de danger grave et imminent
Un membre du CHSCT ou du CSE doit utiliser cette procédure de situation de danger grave et imminent avec prudence et discernement. Pour la mise en place de cette procédure, il est conseillé :
- D’avoir déjà réalisé des “alertes” sur ces risques graves auprès de la direction (courrier ou évocation en réunion du CSSCT/CSE),
- De s’assurer d’avoir des indicateurs précis permettant de justifier la gravité du risque en question (droit d’alerte des salariés, indicateurs RH et de santé, écrits et témoignages de salariés, enquête CHSCT, etc.).
Le droit d’alerte du CSE en cas de risque grave pour la santé publique et l’environnement
• La qualification de risque grave pour la santé publique et l’environnement
Le représentant du personnel qui constate dans l’entreprise un risque grave pour la santé publique ou l’environnement doit avertir du danger l’employeur.
La situation dangereuse pour la santé ou l’environnement extérieur de l’entreprise peut s’expliquer par :
- Le traitement et l’évacuation des déchets,
- L’usage de produits chimiques contraires à la protection de l’environnement,
- Des substances avariées,
- Le risque d’accident industriel ou écologique.
• La consignation de l’alerte dans un registre spécial
Les élus du comité doivent consigner dans un registre spécial l’alerte.
L’alerte doit être datée, signée et indiquer les éléments ci-dessous :
- Produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l’établissement dont le travailleur estime de bonne foi qu’ils présentent réellement un risque grave pour la santé publique ou l’environnement,
- Conséquences éventuelles en matière de santé publique ou l’environnement,
- Toute autre information utile à l’appréciation de l’alerte consignée.
• La procédure de l’alerte en cas de risque grave pour la santé publique et l’environnement
L’employeur examine la situation de façon conjointe avec le représentant du personnel qui lui a transmis l’alerte. En cas de divergence entre l’employeur et le CSE, le salarié ou le représentant du personnel peut saisir le représentant de l’État dans le département (le préfet).
Le droit d’alerte économique du CSE
• L’article L2312-63 du Code du travail
En cas de situation économique et financière préoccupante de l’entreprise, le CSE dispose d’un droit d’alerte économique, ou procédure d’alerte économique, pour alerter sur la situation de gestion financière.
Il est défini par l’article L2312-63 du Code du travail :
“Lorsque le comité social et économique a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications. Cette demande doit être inscrite à l’ordre du jour de la prochaine réunion du comité”.
Cette information doit être lisible dans les documents, notamment via la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementale).
• Le déclenchement de la procédure d’alerte économique au bon moment
Cette procédure de signalement permet de tirer la sonnette d’alarme sur des éléments qui peuvent entraîner des conséquences importantes pour l’avenir, voire la pérennité, de l’entreprise ou de l’emploi.
Déclencher la procédure une fois qu’un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi) est lancé ou que la société est en redressement judiciaire est déjà trop tard !
Le comité exerce son devoir d’alerte lorsqu’il constate que la situation dont il a connaissance peut influer de manière négative le bon fonctionnement global et la poursuite de l’entreprise.
• La qualification de situation préoccupante
La situation préoccupante peut être caractérisée par :
- La perte d’un gros client,
- La perte d’un fournisseur,
- Une baisse significative du chiffre d’affaires,
- Des retards dans la production,
- Des commandes en baisse,
- Une qualité de fabrication en baisse,
- Des retards de paiement des fournisseurs,
- Des retards dans le paiement des salaires,
- Une hausse du prix des matières premières,
- Etc.
• La réponse obligatoire du chef d’entreprise ou son représentant
Cette procédure amène obligatoirement une réponse, la direction se doit de communiquer de manière transparente sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
L’employeur se doit de fournir des explications claires, précises et loyales à chacune des questions posées. Si les explications données par l’employeur sont jugées satisfaisantes et rassurantes, dans ce cas la procédure d’alerte s’arrête là.
Si la réponse donnée par l’employeur n’est pas suffisante ou s’il y a une confirmation du caractère préoccupant de la santé financière de l’entreprise, le CSE doit établir un rapport.
• La désignation d’un expert-comptable
La désignation d’un expert-comptable est possible pour se faire assister dans la mise en œuvre de la suite de la procédure d’alerte, mais son intervention n’est possible qu’une fois par an.
L’expert-comptable peut analyser les causes réelles des difficultés, en montrer les fondements, et proposer des axes de solution. Le recours à cet expert a pour objectif d’aider à apprécier la situation de l’entreprise. Il émet un avis sur l’origine et l’ampleur des difficultés de l’entreprise, ainsi que sur les explications données par la direction.
• Le rapport du CSE
Le rapport doit être transmis au commissaire aux comptes et à l’employeur. Dans les grandes entreprises d’au moins 1000 salariés, et en l’absence d’accord collectif, le rapport est établi par la commission économique.
Le rapport émet un avis sur l’opportunité d’arrêter ou de poursuivre la procédure.
Si la procédure se poursuit, à la majorité des membres présents, le comité peut décider de la saisine ou non de l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, si l’entreprise dispose de ces organes. Dans le cas contraire, il convient d’informer les associés ou les membres dans les groupements d’intérêt économique.
Le CSE a un droit de regard sur l’effectif de l’entreprise, la nature des contrats et la politique sociale au sein de l’entreprise.
En cas de variation brutale de l’effectif, lorsqu’il dépasse 50 salariés, le comité peut recourir au droit d’alerte sociale. Il alerte ainsi l’employeur lorsqu’un accroissement important du nombre de salariés en contrat à durée déterminée (CDD), en contrat de mission (intérim) ou en portage salarial est constaté.
Si cet accroissement intervient depuis la dernière réunion du CSE ayant abordé le sujet des contrats précaires, cette alerte peut être inscrite à l’ordre du jour de la prochaine réunion du comité.
Que retenir de 5 cas de recours au droit d’alerte pour le CSE ?
La procédure de droit d’alerte doit permettre de traiter une situation de risques. Si besoin, un registre spécial doit être renseigné, où sont indiquées les mesures correctives prises pour supprimer le danger signalé. Ces mesures sont ensuite ajustées et complétées. Le droit d’alerte doit être exercé par le comité social et économique en respectant une procédure définie. À long terme, l’exercice du droit d’alerte à bon escient permet à la fois de consolider la politique de gestion des risques de l’entreprise et d’améliorer le dialogue social.