La rupture conventionnelle, c’est une solution que vous envisagez de soumettre à votre salarié ? Depuis plusieurs mois, vous le sentez plus en phase avec les valeurs de votre entreprise, vous le trouvez désengagé et cela se ressent dans la qualité de son travail ? Vous avez réfléchi à une nouvelle organisation du travail et vous êtes trop nombreux ? Avez-vous pensé à la rupture conventionnelle collective ? Peut-être que certains de vos collaborateurs seraient volontaires ! On vous explique tout sur la rupture conventionnelle et sa cousine pour bien les négocier !
La rupture conventionnelle, une rupture amiable du contrat de travail
La rupture conventionnelle, qu’est-ce que c’est ?
La rupture conventionnelle, apparue en 2008 dans le paysage social français, est à ce jour le seul mode de rupture amiable du contrat de travail à durée indéterminée.
Elle est précisée dans le Code du Travail à l’article L. 1231-1 : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai ».
Elle est définie plus précisément à l’article L. 1237-11 : « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. »
Pour que cette rupture puisse être homologuée par les autorités compétentes (DREETS), il est impératif de respecter deux points essentiels :
- Le pilier essentiel de ce dispositif : le commun accord. Aucune des deux parties ne peut imposer quoi que ce soit à qui que ce soit, le consentement doit être libre,
- La procédure stricte ! Mais pas de panique, nous vous la présentons dans cet article.
Attention, quelques restrictions s’imposent à l’employeur quant à l’utilisation de la rupture conventionnelle. En effet, la rupture conventionnelle lui est interdite dans le cadre :
- D’un plan de Sauvegarde de l’Emploi ou d’un accord collectif GPEC,
- D’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective (on vous dit davantage plus bas 😉),
- De l’inaptitude du salarié déclarée par la médecine du travail.
Quels peuvent être les motifs d’une rupture conventionnelle ?
La procédure de rupture conventionnelle n’a pas besoin d’être justifiée. Aucun motif n’est à préciser dans la convention de rupture. Cependant, il existe des motifs connus :
- L’insatisfaction de l’emploi : lorsque les collaborateurs se rendent compte que le poste ne leur est pas adapté,
- La réorientation professionnelle : très courante après la pandémie, beaucoup de salariés veulent découvrir de nouveaux milieux,
- Les difficultés économiques : tant qu’elle ne remplace pas un licenciement économique, elle est envisageable,
- Les raisons personnelles : il arrive que certains collaborateurs aient recours à ce procédé pour diverses raisons personnelles (maladie, enfants, etc.),
- La réduction d’effectifs : dans ce cas, on parle de rupture conventionnelle collective. Elle rend possible et facilite la suppression d’emplois et la réduction d’effectifs.
Il m’est arrivé d’entendre parler de « licenciement amiable », de quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’un abus de langage. Il n’y a aucune différence à faire entre ces deux termes.
Le terme exact employé par le législateur et qu’il nous convient d’employer est « rupture conventionnelle ». En effet, étant donné que le cœur même qui porte ce dispositif est le « commun accord », le terme de licenciement ne doit en aucun cas s’appliquer ici.
Peut-on utiliser ce dispositif pour rompre un contrat à durée déterminée ?
La rupture conventionnelle ne s’applique qu’aux salariés en CDI. Rompre d’un commun accord un contrat en CDD reste malgré tout possible, c’est ce que l’on appelle la rupture à l’amiable (aussi appelée « rupture d’un commun accord » ou « rupture négociée ».
Dans ce cadre la procédure est plus légère que la rupture conventionnelle. Un simple accord de rupture formalisé par écrit et signé par les parties suffit.
Pourquoi demander une rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle est un super dispositif qui permet de définir d’un commun accord toutes les modalités de fin de contrat.
Du côté de l’employeur
Pour l’employeur, la rupture conventionnelle permet :
- De garder sous silence le motif de rupture du contrat de travail,
- De se mettre d’accord sur la date de départ de l’employé,
- De faciliter les conditions de rupture,
- D’éviter les procédures de contentieux en privilégiant les négociations,
- De ne pas verser d’indemnités de préavis.
il s’agit d’un réel outil permettant de pacifier la rupture tout en faisant preuve de rapidité. De plus, sur le plan technique, la procédure est très simple à mettre en place.
Cependant, nous souhaitons vous alerter sur certains points de vigilance. Respectez scrupuleusement la procédure (consentement, calendrier, montant des indemnités, …) car :
- La DREETS peut refuser l’homologation de la demande,
- La loi offre au salarié la possibilité au salarié de contester la rupture pendant un délai de 12 mois.
Du côté de salarié
Au-delà de négocier l’ensemble des conditions de fin de contrat, demander ou accepter une rupture conventionnelle, offre la possibilité au salarié de :
- Bénéficier de l’ARE, s’il est éligible,
- Bénéficier d’indemnités spécifiques de rupture conventionnelle, au minimum égales à l’indemnité légale (ou conventionnelle, si elle est plus favorable) de licenciement,
- Négocier une indemnité supra légale,
- Potentiellement partir « proprement » et rapidement,
- Ne pas évoquer le/les motif(s) de la rupture.
Cependant, soyez vigilant. Il ne faut pas que cette procédure vous cache un licenciement économique ou un licenciement pour faute simple.
De manière générale, les négociations qui résultent de la procédure amènent une relation gagnant-gagnant et à une rupture « pacifiée ».
En effet, il est essentiel de mettre fin à une relation de travail le plus proprement et humainement possible. Que vous soyez salarié ou employeur, il en va de votre image.
Les différences avec le licenciement économique
Comme la rupture conventionnelle, il existe deux types de licenciement économique : individuel et collectif. C’est une pratique qui est à l’initiative de l’employeur uniquement.
Il ne concerne qu’un seul employé. Il y a quatre motifs justifiant le recours au licenciement économique :
- Les difficultés économiques,
- La réorganisation rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité,
- Les changements technologiques,
- La cessation d’activité.
L’employeur doit respecter une procédure précise :
- Convoquer le salarié à un entretien individuel. Il peut le faire par lettre recommandée ou par remise en main propre contre décharge,
- Envoyer la lettre de licenciement au salarié sept jours après l’entretien,
- Informer la DDESTPP du licenciement via une lettre comportant les informations essentielles au licenciement (nom, adresse, activité, etc.),
- Notifier et consulter le CSE (la consultation est facultative si l’effectif est inférieur à 50 salariés).
Le salarié se doit de respecter le préavis de licenciement afin de mettre fin à son contrat de travail.
Lorsque le licenciement concerne plusieurs salariés, l’employeur effectue les mêmes étapes mais d’autres s’ajoutent. Avant l’entretien avec les salariés, l’employeur doit :
- Définir les critères d’ordre de licenciement (ancienneté, charges familiales, etc.),
- Rechercher les postes ouverts au reclassement.
Choisir entre ces deux modes de rupture peut être compliqué. C’est la situation du salarié et de l’employeur qui détermine le choix.
Quels sont les cas d’interdiction d’une rupture conventionnelle ?
Bien qu’elle soit basée sur un consentement mutuel, dans certains cas il est possible de rompre une rupture conventionnelle :
- Lorsqu’elle est conclue dans des conditions frauduleuses,
- Si l’employé et l’employeur n’ont pas conclu d’accord,
- Si la rupture est motivée par une mésentente de l’employé au sein de l’entreprise,
- Si elle est proposée dans le cadre d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE),
- Lorsqu’elle intervient dans le cadre d’un accord collectif portant sur une rupture conventionnelle collective,
- Lorsque la procédure a pour but de contourner les garanties du salarié en cas de licenciement économique.
Ce dernier cas de figure donne lieu à une action en nullité au conseil de prud’hommes.
Quelles sont les 5 étapes à respecter pour la mener à bien ?
Étape 1 : Préparer la proposition de rupture conventionnelle
Proposer une rupture conventionnelle à un salarié est une chose délicate qui nécessite d’être préparée !
Pensez à :
- Réaliser le calendrier de procédure de rupture conventionnelle selon les délais légaux et vos impératifs,
- Calculer l’indemnité légale/conventionnelle de rupture conventionnelle, on prend la plus avantageuse pour le salarié 😉,
- Définir les modalités de fin de contrat essentielles aux yeux de l’entreprise et celles qui seront « bonus ». Ceci permettra de préparer la négociation (exemple : date de fin, formation/passation, indemnité, clauses particulières au contrat de travail telle que la clause de non-concurrence, …)
Étape 2 : La proposition de rupture conventionnelle
Convoquez par écrit votre salarié pour un entretien au sujet de la rupture conventionnelle. Rappelez dans ce courrier que le salarié peut tout à fait choisir de se faire assister, celui-ci peut être salarié de l’entreprise ou choisi sur une liste publiée par les services de la DREETS.
Lors de ce rendez-vous :
- Proposez-lui cette possibilité de rupture amiable et expliquez-lui les raisons de cette proposition,
- Présentez-lui le dispositif et les avantages mutuelles de cette rupture amiable,
- Présentez-lui également les modalités qui vous envisagez, les indemnités, la date envisagée de rupture du contrat de travail.
Prévoyez une date de fin de contrat assez éloignée afin que le salarié ait le temps de se préparer mentalement et s’organiser personnellement. À savoir, il est vrai que la procédure peut être très rapide ; mais, au mieux, la date potentielle de fin de contrat ne pourra intervenir que le lendemain du délai des 15 jours d’instruction pour homologation à la DREETS.
N’oubliez pas qu’il s’agit d’un entretien, d’un échange, d’une négociation. Aussi, écoutez, argumentez, faite des concessions si besoin.
Un seul entretien de négociation peut ne pas suffire. N’hésitez pas à reprendre rendez-vous si besoin, mais idéalement, ne laissez pas un délai trop long. Il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud.
Étape 3 : Signature de la convention
Une fois les négociations abouties, formalisez ces négociations dans une lettre de rupture conventionnelle et remplissez puis signez le CERFA N°14598*01.
À la date de signature de cette convention, un délai de rétractation de 15 jours calendaires s’ouvre pour les 2 parties.
Étape 4 : La demande d’homologation
Dans le cadre où aucune des 2 parties n’a fait valoir son droit de rétraction, il est alors nécessaire de saisir la demande d’homologation auprès des services de la DREETS.
Un nouveau délai de 15 jours calendaires, le temps aux services de la DREETS d’instruire la demande.
Ce délai passé, la rupture conventionnelle est validée. Le non-retour de la DREETS vaut homologation.
Étape 5 : Date de la fin du contrat
Vous êtes à la date envisagée de rupture du contrat et la rupture conventionnelle est validée. La fin de la relation de travail devient effective de minutes en minutes. Vous devez donc lui remettre :
- Son attestation Pôle Emploi,
- Son certificat de travail,
- Son solde de tout compte comprenant,
- Ses indemnité de congés payés s’ils n’ont pas été soldés,
- La contrepartie financière à la clause de non-concurrence, si elle n’a pas été abrogée.
Le saviez-vous ?! La rupture conventionnelle peut être collective !
De quoi s’agit-il exactement et pourquoi la mettre en place ?
Il est tout à fait possible de mettre en place une rupture conventionnelle collective (RCC). Il s’agit, au même titre que la rupture conventionnelle individuelle, d’un mode de départ collectif qui permet à l’employeur de rompre plusieurs contrats simultanément, de manière amiable et négociée.
Ce mode de rupture des contrats de travail peut être très utile lorsque l’entreprise a pour objectif de réorganiser les postes, activités et compétences et donc de revoir à la baisse ses effectifs.
Ce mode de départ peut s’appliquer à toutes les entreprises, peu importe leurs contextes et enjeux économiques. De ce fait, ce dispositif peut tout aussi bien s’appliquer aux entreprises en recherche d’optimisation de la masse salariale ou aux entreprises qui connaissent des difficultés économiques.
Côté salarié, cela permet aux volontaires de quitter l’entreprise en bénéficiant d’indemnités de rupture et de l’allocation chômage (s’ils répondent aux critères d’éligibilité).
Comment la mettre en place ?
La procédure est quelque peu particulière. En effet, celle-ci est proposée exclusivement à l’initiative de l’employeur. Pour pouvoir être mise en œuvre, cette rupture nécessite la consultation des partenaires sociaux et impose la négociation d’un accord collectif pour rupture conventionnelle collective.
Ceci doit être négocié dans toutes les entreprises, peu importe la taille, selon les modalités qui leurs sont propres (syndicats, CSE, référendum d’entreprise, …) ; la DREETS doit être informée sans délai de l’ouverture des négociations.
L’accord, qui sera à l’issu des négociations déposé et validé par la DREETS, doit impérativement comporter :
- Les modalités d’information du CSE,
- Le nombre maximal de départs envisagés,
- Les conditions de candidatures des salariés,
- Les modalités de présentation et d’examen des candidatures,
- Les critères de départage des candidatures,
- Les modalités de calcul des indemnités,
- Les actions mises en place pour l’accompagnement et le reclassement externes (formations, VAE, congé de mobilité, accompagnement à la création/reprise d’entreprise…),
- La clause de suivi de l’accord.
Une fois cet accord négocié, les salariés peuvent se porter candidat. En effet, la RCC n’est ni un licenciement, ni une démission ; elle doit résulter d’une envie commune et ne peut donc être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Il peut parfois arriver que le nombre de salariés candidats à la RCC soit supérieur au nombre maximal envisagé. Dans ce cas, il est nécessaire de départager les candidatures selon les critères non discriminants fixés par accord.
Une fois l’étude des candidatures réalisée (et leur départage si nécessaire) une convention est signée par les parties permettant de mettre fin au contrat de travail de plusieurs salariés simultanément d’un commun accord. L’employeur doit alors :
- Verser les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle dont les modalités de calcul ont été négocié par accord,
- Verser les indemnités compensatrices de congés payés, s’ils n’ont pas été soldé préalablement,
- Faire bénéficier aux salariés concernés des mesures leur permettant de faciliter leurs reclassements externes (formation, VAE, reconversion, accompagnement à la création/reprise d’entreprise,
- Remettre l’ensemble des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte…).
Les salariés concernés ne peuvent bénéficier d’une priorité de réembauchage comme tel est le cas dans le cadre des licenciements économiques.
Que retenir sur la rupture conventionnelle ?
Effectuer une rupture conventionnelle pour mettre fin à un contrat de travail est la meilleure des solutions pour l’employeur et le salarié. En effet, ce mode de rupture est rapide à mettre en place et permet à l’employeur de rester en bon terme avec son employé et d’éviter un contentieux. Le salarié bénéficie également de nombreux avantages : une allocation chômage pour conserver une situation stable lors du départ de l’entreprise et une indemnité minimum. L’essentiel est de bien prendre votre temps au moment d’établir la convention. Cela permet d’éviter les litiges et de veiller à ce que les droits de chacun soient respectés.